P’tite chronique #2: le télétravail, outil d’évolution ou de régression de “l’espèce professionnelle”*?

Qui aurait un jour imaginé qu’en France (et dans le monde), plus d’un quart de la population active serait contrainte de travailler à distance? Que pouvons-nous penser de ces nouveaux modes de fonctionnement et de leurs effets sur les liens sociaux dans l’entreprise?

Alors que certains dirigeants et DRH commençaient à peine à imaginer des solutions de travail à distance pour leurs collaborateurs, l’épidémie de COVID que nous subissons depuis le début de l’année est venue donner un (trop) grand coup d’accélérateur.


En quelques mois, la frilosité de certains sur ces méthodes agiles de travail est devenue une conviction pour une majorité. Selon une étude récente réalisée par l’Association Nationale des DRH de France, 85% d’entre eux sont désormais convaincus que le télétravail va devenir pérenne dans les prochaines années (Etude réalisée en juin 2020, source Capital – octobre 2020).

Est-ce à dire que le travail à distance serait le nouvel « Eldorado » des salariés des entreprises françaises?
Les avantages que nous trouvons aujourd’hui au télétravail semblent nombreux, mesurables et quantifiables. Et pourtant, force est de constater que nous sommes probablement face à la partie émergée de l’iceberg et il convient de ne pas en négliger la partie immergée, au risque de voir sombrer certains salariés et peut-être certaines petites entreprises.

Le télétravailleur de 2020 opère avec une grande autonomie et peut organiser ses journées de travail librement en fonction de la tâche qu’il a accomplir et des impératifs liés à sa fonction. Il passe moins de temps dans les transports ce qui lui permet d’être opérationnel plus vite, ce qui peut réduire sa fatigue et lui permettre également de réaliser de belles économies.
Un(e) salarié(e) qui opère seul(e) chez lui/elle, sans être interrompu(e) par un(e) collègue qui passe dans son bureau bénéficiera d’une plus grande concentration ce qui relèvera son niveau de productivité. Si on ajoute à cela, l’utilisation massive des nouvelles technologies, la baisse de l’absentéisme et le (ré)enchantement du travail, on peut facilement en déduire que le travail à distance est une révolution positive du travail, tant pour le salarié que pour son employeur.

Pour autant, pouvons-nous dire que nous sommes dans une situation “gagant-gagant” sur tous les plans?
Aujourd’hui, alors que le virus est toujours présent et que nous sommes confrontés à des règles sanitaires et de distanciation sociale stricte, la question concernant les effets indésirables du télétravail est mise en sourdine… Les dérives constatées depuis plusieurs semaines et qui sont mises en lumière par différents articles de presse sont nombreuses voire inquiétantes.


Depuis le début de l’épidémie, le travail à distance a été brusquement imposé par nos dirigeants comme l’un des moyens de lutter activement pour ralentir l’épidémie. Ceci peut s’entendre, cependant, nous devons être lucide face aux dommages collatéraux qui peuvent être causés par cette nouvelle “norme”. En effet, le travail à distance, lorsqu’il est accepté par le salarié et bien encadré par l’entreprise peut renforcer son sentiment d’autonomie et améliorer sa/ses performance(s).

A contrario, lorsque cette forme de travail est imposée, chaque individu peut vivre cette période de différentes manières et souffrir de différents maux : solitude, isolement social, risque d’addiction au travail dû à une mauvaise organisation et/ou parfois à l’incapacité de distancer le travail, accentuée par une difficulté à séparer les vies professionnelle et privée, baisse de la créativité pour certains pour faire naître de nouvelles idées, perte de l’esprit d’équipe, perte du sentiment d’appartenance à l’entreprise…


Travailler seul et à distance peut donc avoir des effets dévastateurs sur les collaborateurs mais aussi sur l’entreprise elle-même. Le PDG de la société Kameleoon, un éditeur de logiciels de 140 salariés a même déclaré récemment “à force de moins se voir, les gens vont finir par distendre leurs liens, la motivation va baisser et l’esprit de groupe se perdre”.

Il reste à espérer qu’une fois l’épidémie passée, les entreprises puissent permettre aux collaborateurs qui le peuvent et qui le souhaitent de choisir la formule de télétravail la mieux adaptée.
Un “full remote” ou “100% télétravail » ne semble évidemment pas souhaitable mais un équilibre positif pourrait être atteint si les entreprises de l’après COVID proposent des formules hybrides avec des journées de travail en collectif au bureau et des journées de travail à distance.


Ces longs mois d’isolement professionnel vécus différemment par chacun pourront également être atténués si les DRH et les managers s’impliquent et cherchent à mettre en place des systèmes permettant à chacun de (re)trouver sa place au sein de l’entreprise au sein de l’équipe. Plus que jamais, il va être important de (re)créer du lien tous ensemble pour construire l’équipe de demain.

Le temps du rêve peut vous accompagner pour créer ces nouveaux rituels extérieurs à la vie de l’entreprise et si importants pour l’équilibre de chacun.

*Espèce professionnelle, expression détournée et utilisée pour faire un clin d’œil à l’espèce humaine

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